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Varanasi – Un paradis pour les photographes


Suivez le photographe Réhahn lors de ses voyages à travers l’incroyable ville sacrée de Varanasi dans le nord de l’Inde. Ses portraits artistiques dévoilent des hommes hindous sacrés que l’on appelle des sadhus, une tribu cannibale vénérant Shiva et des enfants au visage bleu qui idolâtrent Krishna. Varanasi offre une large palette d’inspirations pour tout photographe prêt à supporter l’aventure. C’est une ville qui possède une chaleur intense, de fortes odeurs et des traditions, un lieu complexe et exaltant.

5h du matin. L’heure parfaite pour débuter la journée à Varanasi.

Il fait déjà 25°C mais à midi, la température montera jusqu’à 40°. A cette heure-ci, le soleil commence tout juste à se lever timidement dans le ciel, au-dessus du Gange. Les locaux sont déjà rassemblés sur les gaths, les emblématiques marches en pierre qui mènent au fleuve. Certains sont là pour se baigner, d’autres pour prier.

J’aperçois des enfants en train de nager aux côtés de fervents fidèles. Des buffles d’eau en train de partager l’espace avec des corps qui se débarassent de leurs impuretés. Des pêcheurs en train de tirer leurs énormes filets, remplis de leur prise du jour.

Ici, la vie est extraordinaire et intense.

Varanasi lifestyle photo by Réhahn in India

UNE VILLE DE COULEURS ET DE CONTRASTES

A Hoi An, au Vietnam, ma ville d’adoption, j’ai passé des années à photographier l’allégresse des murs jaunes qui ornent tous les bâtiments. Ici, ce ne sont pas seulement les murs, mais aussi les gens qui débordent de couleurs. La couleur orange s’illumine de manière particulièrement éclatante à Varanasi. Elle brille dans les guirlandes dorées présentes sur les tableaux de bord de tous les taxis et les robes des sadhus, des hommes hindous sacrés.

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Le safran est la couleur la plus sacrée dans la religion hindouiste.

Il est synonyme de feu et de l’embrasement des impuretés. Les sadhus peuvent être trouvés sur les quais du Gange, dans les allées, sur les places publiques. Leur longue barbe blanche et leur tunique très colorée, parfois orange, parfois rouge vif, font d’eux des sujets incroyablement photogéniques.

Je pars à la recherche d’un endroit à l’abri du soleil. L’entrée couverte d’une maison me fournit un peu d’ombre. C’est ici que la magie opère. Tel un puzzle, tous les éléments s’alignent. Un portrait parfait : un sadhu apparaît dans la lumière du jour avec un arrière-plan sombre contrastant avec les couleurs de sa tunique.

Varanasi portraits photo by Réhahn in India

L’une des différences entre l’Inde et le Vietnam est le visage stoïque de mes sujets de Varanasi face à l’objectif. Ici, pas un cil ne bouge, pas un changement d’intensité dans leur regard.

Une grand-mère vietnamienne se mettrait probablement à rire en admirant son portrait. Mais à Varanasi, un indien hochera la tête de droite à gauche, comme pour dire « peut-être que oui, peut-être que non ». Il est difficile de savoir ce à quoi ils pensent lorsqu’ils voient la photo sur mon appareil. Voient-ils la même beauté que moi ? Ils ont l’air assez satisfaits, me demandant parfois la photographie ou continuant d’autres fois leur chemin.

Varanasi lifestyle photo by Réhahn in India

UNE VILLE SACRÉE, DE DÉBUTS ET DE FINS

Varanasi, autrefois connue sous le nom de Banaras, s’étend le long des quais du Gange dans la province d’Uttar Pradesh, au nord de l’Inde. Elle est considérée comme la plus sacrée des sept villes saintes des religions hindouiste et jaïniste. Les hindous pensent que mourir dans la ville leur apportera le salut éternel et une fin au cycle de la renaissance. Les pèlerins viennent du pays entier pour rechercher la purification dans les eaux sacrées. Ils viennent pour incinérer leurs proches et passer leurs derniers jours dans la paix.

Varanasi portraits photo by Réhahn in India

Tel un monde en dehors de l’ordinaire, Varanasi et ses habitants peuvent susciter de l’inspiration à tout moment. Toutes les personnes que je vois sont des modèles potentiels.

J’y suis venu pour un pèlerinage personnel, non pas religieux, mais à des fins de connaissance et de documentation. Afin de me plonger dans le chaos de la circulation et prendre le temps de voir la réalité, cachée derrière ce qui était initialement invisible. Afin de me perdre dans le labyrinthe des allées étroites de la vieille ville et trouver le mur pastel idéal pour placer mon objectif.

Varanasi behind the scene - rehahn in India

Chaque coin de rue déborde de couleurs, de fumée et de lumière.

Une femme qui passe devant avec son foulard aux couleurs de l’arc-en-ciel. Des enfants qui courent dans les allées en tenant des battes de cricket. Une vache sacrée qui balance sa queue pour semer les mouches. Ou alors il se peut que j’aperçois un fidèle au milieu de blanc, aussi dénué de couleur que la ville en regorge.

Varanasi portraits photo by Réhahn in India

À LA RECHERCHE DE LA TRIBU EXILÉE DE SHIVA

Je décide de me rendre de l’autre côte du fleuve par curiosité. Là, j’y vois à la surface un corps, des ossements et deux sadhus vêtus de couleur sombre. Ils contrastent fortement avec l’éclatante soie couleur safran des hommes hindous sacrés de la ville. On m’affirme qu’il s’agit d’Aghoris, des fidèles de la forme Bhairava de Shiva, associée à l’annihilation.

Cette stupéfiante divinité pousserait ses fidèles à faire face à leurs propres peurs. Les Aghoris amènent cette idée de défier ses craintes à un tout autre niveau. Ils prennent part à des pratiques qui créeraient un sentiment d’horreur et de répugnance chez la plupart des gens.

Varanasi travel photography

Parmi d’autres caractéristiques, les Aghoris sont cannibales. Ils pêchent les cadavres de la rivière et mangent leur chair. Les locaux les craignent et les évitent, laissant les Aghoris suivre leur mode de vie ésotérique isolés.

L’un d’eux tient dans sa main un crâne humain. Il prend une pose qui me rappelle Hamlet de Shakespeare. J’aurais pu imaginer capturer un cliché comme celui-ci en Inde uniquement.

Avec un sentiment d’inconfort grandissant, je décide de laisser les Aghoris à leurs rituels sombres. Je retourne sur l’autre rive afin de suivre un chemin différent.

EN HONNEUR DE LA COMPASSION DE KRISHNA

De retour en ville le lendemain, je rencontre des enfants au visage peint d’un bleu intense en honneur de Krishna. Krishna, le dieu de la compassion et de l’amour dans la religion hindouiste, est la divinité indienne la plus largement vénérée. Sa peau bleu foncé serait inspirée des couleurs de la nature. Du ciel infini aux profondeurs insondables des océans : il représente tout ce qui dépasse la compréhension humaine.

Les dessins animés qui présentent Krishna comme un enfant sont populaires à travers tout le pays. Comme tous les enfants dans le reste du monde, les enfants d’Inde adorent incarner les héros qu’ils voient à la télé. Ici, plutôt que Spiderman, l’idole des enfants fait partie intégrante de leur patrimoine culturel et religieux.

Je rejoins deux jeunes garçons à bord d’un bateau sur le Gange tandis qu’un artiste les transforme en petits Krishnas. Le plus jeune frère attend patiemment son tour pendant que son grand frère se fait peindre le visage. Il observe paisiblement l’environnement, par-dessus le rebord de sa barque, regardant vers les ghats, les bras croisés autour de ses genoux.

Pour lui, cette ville qui est le cœur sacré de l’Inde, avec toutes ses couleurs et ses contrastes, n’est que l’environnement de son enfance. Rien de plus. Rien de moins.

Lorsque l’artiste termine, les deux garçons sont aussi bleus que des sapphires, avec des perles blanches entourant leurs sourcils. Nous désembarquons du bateau et trouvons l’arrière-plan parfait. Chaque cliché que je capture me fait sourire tandis qu’ils posent fièrement. Quel merveilleux changement par rapport à ma journée de la veille, en compagnie des Aghoris !

 

Varanasi portraits photo by Réhahn in India

UN PÉRIPLE PHOTOGRAPHIQUE À VARANASI

Je marche entre huit et dix heures par jour, de ghat en ghat, d’allée en allée, à la recherche d’opportunités pour prendre des photos. 40° en plein soleil, pas de vent : je me réfugie dans quelques allées qui offrent un peu d’ombre. Les singes passent au-dessus de ma tête, les vaches me barrent le passage. Un homme préparant du thé chaï me fait signe de me faufiler dans les quelques centimètres restants entre la vache et le mur.

Varanasi portraits photo by Réhahn in India

Les couleurs de chaque allée alternent entre le bleu turquoise, le rose pastel ou le jaune. Je comprends rapidement que chaque coin de rue possède son heure de gloire. Parfois, l’instant parfait arrive lorsque le thé est préparé et que l’air enfumé est transpercé par des rayons de soleil. D’autres fois, lorsque la fatigue prend le dessus et que je ne peux plus marcher, je m’arrête devant un mur intriguant. Je m’assois et j’attends, utilisant la technique du « fishing photography » (« photographie à la pêche »). En dix minutes, deux ou trois modèles intéressants passeront sans aucun doute devant l’arrière-plan que j’ai choisi.

Varanasi portraits photo by Réhahn in India

Varanasi, avec toutes ses couleurs et ses personnages, est une ville dépassant tout ce que j’ai vécu. La ville réveille les sens avec ses odeurs de curry cuisiné dans la rue combiné à l’encens qui brûle et à la fumée. Il existe également le goût rafraîchissant d’un lassi à la mangue siroté dans la chaleur étouffante et la compagnie perpétuelle des voix chantantes. La vie est exténuante, comme le prouvent les visages des femmes travaillant dans les ateliers de fabrication de briques situés le long des routes. Mais il y existe aussi un sentiment de paix.

Varanasi lifestyle photo by Réhahn in India

Varanasi franchit la ligne entre chaos urbain et sanctuaire dévoué.

C’est une terre de contrastes et sans aucun doute l’un des lieux les plus difficiles à photographier sur Terre.

La barrière de la langue, la chaleur, les odeurs, la poussière, … tous ces éléments consument l’intégralité de votre énergie. Mais le besoin de vivre une expérience, d’apprendre, de capturer des photographies me réveille chaque matin pour commencer mon aventure quotidienne.

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Si je devais décrire Varanasi en un mot, je dirais « intense ».

Il n’y a pas de répit. Et pourtant, si vous vous forcez à regarder au-delà des différences culturelles et à prendre le temps, cela peut être un paradis pour la photographie, la photographie de rue ou la photographie de portrait. Il y a quelque chose pour chacun, tant que votre santé vous le permet !

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