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Réhahn a capturé des milliers de portraits des populations du Vietnam, de Cuba, d’Inde et de nombreux autres endroits au cours de sa carrière. La technique est importante. Mais il pense que la vraie clé pour un portrait réussi relève de la création d’une relation authentique. Le photographe partage ici quelques astuces pour photographier avec respect et émotion.
Les affinités authentiques créent de beaux portraits
Le rôle d’un bon photographe de portrait est de comprendre le sentiment qu’entraîne votre présence (et celle de votre appareil photo) chez le sujet. Je recherche sans cesse une opportunité d’échanger avec les gens, mais cela ne signifie pas nécessairement que je photographie chaque personne rencontrée.
Au contraire, pour capturer un moment authentique ou une émotion, il est parfois indispensable de laisser son appareil de côté. Contemplez la personne qui se trouve en face : pas uniquement le détail unique qui vous a attiré en premier lieu.
Il n’y a pas de « clic » à chaque rencontre.
Photographier avec Respect
Apprendre à interagir avec le sujet ne s’apprend pas dans un manuel d’appareil photo mais il y a quelques choses simples que je recommande. Parlez à votre sujet, apprenez à le ou la connaître et vous pourriez être surpris de créer une amitié pour la vie avec quelqu’un que vous n’auriez pas connu autrement. Il s’agit ici simplement de la joie de ce métier : non pas la photographie exposée en galerie, mais le souvenir d’une connexion.
Parlez à la personne. Apprenez à la connaître.
Je m’étais déjà exprimé auparavant sur certains photographes qui font l’erreur de « prendre » des photos plutôt que de les « créer ». En effet, ils collent littéralement leur appareil photo au visage d’une personne sans lui demander son autorisation. Ils dépossèdent ainsi ces personnes de leur humanité. Sans surprise, ces photos manquent souvent d’émotion.
Il a été dit que je suis capable de « capturer l’âme » des personnes dans mes portraits (Wanderlust Magazine, septembre 2018). C’est parce que je cherche à trouver l’essence des personnes, ce qu’elles sont vraiment. Et qui de mieux pour vous aider à trouver cette essence que la personne que vous photographiez !
Une bonne affinité (et photographie) doit commencer avec du respect.
Vous pouvez posséder des dizaines d’objectifs et apprendre toutes les techniques, mais si le respect n’est pas au centre de votre travail, vous pouvez remettre votre appareil photo dans sa sacoche et commencer une nouvelle carrière.
Affinités Précieuses
J’ai marché à travers les allées étroites de Hoi An et de La Havane et embarqué sur des bateaux au-dessus du Gange. J’ai parcouru des milliers de kilomètres sur ma moto au Vietnam et navigué au milieu de l’océan pour retrouver une minuscule île peuplée par des nomades de la mer en Malaisie. J’ai fait tout ceci en majeure partie par volonté de rencontrer de nouveaux peuples et connaître leur culture. C’est aussi ce qui m’a motivé à commencer mes recherches pour le Projet Precious Heritage il y a près de dix ans.
Le point essentiel de Precious Heritage est d’intégrer des histoires sur les sujets et leur patrimoine ethnique, et pas seulement des photographies. Lorsque je m’approche de quelqu’un, je prends le temps de l’écouter, de partager un repas, un cigare ou un verre. Je laisse l’interaction évoluer avec le temps.
En résulte une archive de journées passées accompagné de gens incroyables. Des personnes que je retourne souvent voir, encore et encore. Quels souvenirs aurais-je garder si je m’étais simplement rendu dans ces villages reculés pour prendre quelques photos et repartir ?
Les Gardiennes de leur culture
Les gens remarquent fréquemment que j’aime photographier des femmes âgées, mais il existe une raison à cela. Elles sont souvent les gardiennes de leur culture ! Je peux facilement me perdre dans leurs histoires et anecdotes pendant une après-midi, en apprendre plus sur la teinture indigo ou les chansons ancestrales.
Mon équipe rigole parfois en m’appelant « l’homme qui murmure à l’oreille des vieilles femmes ». C’est à cause de la manière dont mes sujets me prennent souvent la main et me font des bisous sur la joue comme si j’étais un neveu perdu de vue. Pour être honnête, ce sont elles qui me charment avec leur sens de l’humour et leur joie de vivre malgré leur âge.
Les femmes se mettent habituellement à rire en voyant leur photo sur l’appareil photo. Elles affirment souvent : « Je ne suis pas jolie, pourquoi souhaites-tu me prendre en photo ? » ou « Pourquoi n’es-tu pas venu lorsque j’étais jeune et belle ? ». Elles ne réalisent pas l’immense pouvoir qu’elles détiennent dans leur savoir, leur expression et leur beauté.
De nombreuses femmes que je rencontre dans ces régions adorent aussi toucher ma barbe. Je ne suis pas sûr de savoir pourquoi mais cela les fait toujours rire. Lorsque je suis assez chanceux d’avoir un échange comme cela, j’ai une énergie débordante pour le reste de la journée. Mon assistante a récemment commencé à filmer ces rencontres. Lorsque je regarde ces vidéos de nouveau, elles parviennent toujours à me faire sourire.
Dans la culture tribale du centre du Vietnam, fumer la pipe constitue une activité importante et interactive de la culture. Il m’est parfois arrivé de me rendre dans des régions reculées où le vietnamien n’a jamais été une langue parlée. Au lieu d’essayer tant bien que mal d’avoir une conversation, j’aime m’asseoir avec les personnes que je rencontre. Nous pouvons fumer une pipe ou un cigare roulé à la main, et ainsi apprécier un moment en bonne compagnie tandis que la fumée tournoie lentement autour de nous. Le temps passé à apprécier ensemble quelque chose de relaxant crée un lien et de la confiance.
Appareil photo, conversation et enfants
J’aime la sensation que procure le fait d’aller dans un nouveau village et de laisser les interactions se faire naturellement. Bien souvent, les enfants s’approchent de moi en premier. Il est facile de communiquer avec eux à travers de simples conversations, des rires et des petits dons de nourriture. Les enfants adorent être pris en photo mais jouent parfois à cache-cache avec l’appareil photo. Je les laisse souvent prendre un selfie sur mon téléphone d’abord pour leur montrer le procédé. Tous les enfants sont fascinés lorsqu’ils voient leur photo soudainement apparaître à l’écran.
Toutefois, même avec les enfants, il est nécessaire de créer une confiance qui demande du temps et de la sensibilité. Si un enfant est gêné ou troublé par la présence de l’appareil photo, je ne prends pas de photo. C’est aussi simple que cela.
La croisée des chemins
Dans certains villages, tout le monde souhaite venir discuter avec moi, l’étranger (Ông Tây en vietnamien). Lorsque je leur explique mon but et leur montre les photos que je prends d’eux, une relation incroyable se crée. Dans d’autres régions, les gens sont plus réticents à l’idée de discuter avec un inconnu et je le respecte. Si je suis là pour le Projet Precious Heritage, j’approche tout simplement le chef de la communauté qui est habituellement très enclin à la préservation d’objets, de costumes et d’histoires concernant sa culture dans un musée. Le Chef sera par la suite celui qui fait les présentations.
Je laisse toujours mon appareil photo de côté et consacre toute mon attention à la personne que je rencontre afin que la confiance puisse s’installer naturellement.
D’abord, je m’assoie près d’eux mais je ne leur saute jamais dessus avec mon appareil photo. J’utilise toujours de la lumière naturelle, nous nous installons donc près de la porte et prenons le temps de nous connaître. Je leur montre parfois d’autres portraits sur mon appareil photo, de leurs amis ou voisins, ou même des portraits de mes voyages précédents afin qu’ils comprennent ce que je fais et se sentent en confiance.
Je suis toujours impressionné lorsque les gens m’accueillent chaleureusement dans leur vie et leur maison. Ils savent que je suis étranger, mais cela n’a plus d’importance après quelques temps, et le tout devient une rencontre des esprits. Je peux parler un petit peu le vietnamien et quelques mots amusants dans les langues Hmong et Co Tu.
Avoir un sens de l’humour est essentiel à la création d’un environnement chaleureux et agréable.
Rendre
Je possède plus de 100 000 photos du Vietnam. Seule une petite sélection d’entre elles finit dans mes galeries, mais j’aime malgré tout revenir sur mes pas pour reprendre contact avec mes sujets. Je leur apporte leur photo même si je ne l’utilise pas, ou je les inclus dans mon « Giving Back Project ».
J’aime leur montrer leur portrait ou des articles dans lesquels apparaît leur photo, et leur partager à quel point les gens aiment ces photos. Je n’oublierai jamais le jour où je suis retourné à Cuba pour retrouver l’un des mes sujets appelé Francisco. Lorsque je lui ai offert le livre faisant figurer sa photographie, il a été immensément touché et submergé par les émotions.
Ces moments sont inestimables et inoubliables.
Qu’importe où je me trouve, je me lève tôt pour immortaliser la lumière avant qu’elle ne perde son éclat mystérieux du matin. Je commence à approcher des gens. Je ne recherche pas seulement de modèles à photographier. J’espère toujours m’enrichir de la diversité humaine qui nous entoure chaque jour, si nous savons vers où regarder.